Le rallye de fin d’année que nous espérions dans notre précédente lettre s’est effectivement manifesté avec une force que n’attendions pas pour être honnête. En tête des performances, les actions de la Zone euro (Euro Stoxx 50) ont progressé en ligne droite de 22% depuis le point bas du 13 octobre. En revenant sur les 4.000 points, l’Euro Stoxx 50 dividendes nets réinvestis, n’est désormais plus en baisse que de seulement -5.6% depuis le début de l’année ! Après avoir chuté de 23%, à son plus bas niveau le 23 octobre, la performance récente est remarquable.
« Est-ce que cela va continuer ? ». C’est la question que posent les plus nombreux, qui n’ont pas pris le train en marche. Difficile question, car le rebond actuel s’apparente davantage à un sursaut qu’à une reprise sous-tendue par un retour de la confiance en l’avenir. La hausse des marchés depuis un mois et demi prend son appui dans l’inflexion du discours de la FED qui semble préparer les investisseurs à un ralentissement du rythme de hausse des taux. Avec une inflation américaine qui recule depuis juin, la tentation est forte pour les investisseurs d’y voir la fin prochaine du cycle de resserrement monétaire.
Obsédés par leur volonté d’identifier le moment d’inflexion de la politique monétaire, les investisseurs ressemblent de plus en plus à l’idiot du vieil adage chinois « quand le sage désigne la Lune, l’idiot regarde le doigt ». La Lune est ici le ralentissement économique qu’un assouplissement de la politique monétaire (le doigt) ne ferait que mettre en évidence. Les études financières de ces derniers mois sont en effet pleines de ces analyses faisant coïncider la phase de retournement de la politique monétaire avec le retour de la hausse sur les actions. D’où l’obsession des investisseurs à identifier ce fameux « point pivot » à partir duquel les taux d’intérêt de la FED commenceraient à baisser.
Cependant, la hausse des actions a engendré deux problèmes : d’une part, le taux pivot n’a pas été atteint, et d’autre part, ce taux pivot n’est même pas encore bien en vue dans la mesure où le niveau d’inflation, selon la FED, nécessitera de maintenir des taux élevés pendant longtemps.
Par ailleurs, au cours des cycles précédents, les actions avaient, certes repris le chemin de la hausse à l’issue de la phase de resserrement monétaire mais également après une reprise des anticipations de résultats des entreprises. Or, les résultats des entreprises n’ont même pas encore commencé à baisser ! Ainsi les résultats des entreprises aux Etats-Unis vont terminer l’année en progression de 20%, à leur plus haut niveau historique.
La question qui va nous accompagner tout au long de 2023 est de savoir si oui ou non la phase de resserrement monétaire dans laquelle nous nous trouvons va déboucher sur un ralentissement économique, voir une récession et quelle pourrait être son ampleur.
L’analyse économique et l’expérience du passé nous indiquent que la récession économique est probable en 2023 compte tenu de la détérioration significative des conditions financières pour les entreprises (hausse sur l’année de 300 bps des coûts de financement pour les entreprises américaines de bonne qualité) et les ménages (baisse du pouvoir d’achat dû à l’inflation). Dans ce contexte, les dépenses des acteurs économiques auraient dû s’ajuster à la baisse, or ce n’est pas le cas. En volume (donc retraitée de l’inflation), la consommation américaine a continué de progresser en 2022 alors que dans le même temps le pouvoir d’achat des ménages baissait de -3% après -2% en 2021. La solution à cette énigme vient de l’augmentation de l’emploi salarié qui a progressé de plus de 2 millions d’emplois cette année. Deux menaces planent donc sur l’économie américaine en 2023 : le ralentissement du marché de l’emploi et l’ajustement à la baisse de la consommation, via la baisse du pouvoir d’achat. La crainte d’une récession aux Etats-Unis est telle que, selon une récente étude, 45% des économistes s’attendent à une récession l’année prochaine, du jamais vu !
Pour notre part, nous sommes plus optimistes que le consensus de marché et estimons qu’il existe un chemin pour l’économie américaine pour éviter la récession. Ce chemin passe par la résistance du marché du travail dans un contexte de vieillissement de la population qui conduit les générations du babyboom à prendre leur retraite et à quitter le marché du travail. La tension du marché de l’emploi aux Etats-Unis (et dans une moindre mesure en Europe) est réelle comme le montre le rapport de 1 à 2 entre le nombre de chômeurs et le nombre d’emplois disponibles. Cette résistance de l’emploi servira de stabilisateur à la consommation américaine et donc à la croissance en 2023. Cette résistance de la croissance, voir cette reprise, sera un facteur déterminant pour l’appréciation des actions et du crédit, le tout dans un environnement monétaire que nous anticipons plus favorable.
Le pire n’est pas certain et le meilleur toujours possible.
Article rédigé par les équipes d’APICIL ASSET MANAGEMENT.
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