Il est évident que les futurs époux ou les époux modifiant leur régime matrimonial osent rarement prendre l’initiative d’évoquer la possibilité d’un avenir conjugal moins radieux ; il n’en demeure pas moins que cette superstition doit être surmontée et les questions délicates soulevées.
Si à l’heure du mariage la discussion se résume souvent au choix du régime, plus ou moins communautaire ou séparatiste, et à la protection du survivant, il ne faut néanmoins pas faire l’impasse sur l’hypothèse d’une séparation du couple. Le devoir de conseil qu’endosse le notaire rédacteur, et en amont parfois les autres Conseils du couple, interdit de s’affranchir de ces questions.
Il est primordial – d’une impérieuse nécessité à vrai dire – de soulever quelques questions pour concilier les intérêts du couple mais aussi préserver chacun des époux lors de la rédaction de la convention matrimoniale. Dès lors que le risque de divorce existe, il faut l’aborder. D’autant que ce risque est statistiquement important, on le sait : 45% des mariages s’achèvent par un divorce, ces statistiques datant d’avant la crise sanitaire et les périodes de confinement…
Le droit des régimes matrimoniaux est l’un des piliers du droit patrimonial de la famille. Le choix du régime matrimonial constitue souvent l’un des premiers actes patrimoniaux du couple et il constitue donc un élément fondateur et stratégique.
La protection des intérêts conjoints et respectifs des époux nécessite donc de sonder quelle est leur vision des choses quant à leur association patrimoniale. Pour y parvenir, il faut soulever les bonnes questions comme : Quel degré d’indépendance ou de mise en commun dans la constitution du patrimoine ? Quel degré d’autonomie ou de cogestion dans les décisions ? Quelle protection vis-à-vis des créanciers ?
Autant de questions auxquelles l’un et l’autre peuvent parfois avoir des réponses différentes. Le dialogue instauré entre eux sur ces points patrimoniaux doit déboucher sur des choix communs qui prendront forme dans la convention matrimoniale.
Une fois le régime matrimonial choisi, divers aménagements peuvent être faits. Parmi eux on relèvera une clause spécifique à l’hypothèse du divorce, souvent appelée clause alsacienne, strasbourgeois ou encore clause de reprise ou de sauvegarde.
Cette clause permet de préserver les intérêts de l’époux qui ferait l’apport d’un bien propre à la communauté en organisant une liquidation alternative du régime matrimonial :
Plus largement, cette clause peut être prévue dans un régime de communauté plus élargie que la communauté légale, comme la communauté de biens meubles et acquêts ou la communauté universelle. Elle concerne alors tous les biens qui auraient été propres sous le régime légal et une liquidation alternative également :
Dans un régime de communauté universelle, il est donc possible d’organiser la protection du survivant avec une clause de préciput (portant sur bien commun) ou d’attribution intégrale de communauté, permettant au survivant de devenir propriétaire exclusif de tous les biens communs, mais aussi de prémunir le couple des effets patrimoniaux d’un divorce en permettant à chacun de reprendre les biens qui lui auraient été propres sous le régime légal (comme les biens acquis avant le mariage, ceux reçu par donation ou succession).
L’on sait que la communauté universelle est un régime plébiscité par les couples plus âgés, qui modifient leur régime matrimonial. L’âge des époux ne doit pourtant pas justifier une impasse sur la question du divorce. Là aussi, les statistiques montrent que les divorces des personnes de plus de 60 ans sont de plus en plus nombreux.
On ajoutera qu’un autre risque existe : celui de la survenance du décès pendant le temps de la séparation et avant que le divorce ne soit effectif. Sur ce point, ce sont les avantages matrimoniaux stipulés au profit du survivant qui doivent être précisés. En effet, la protection du survivant peut être efficacement assurée par des avantages matrimoniaux comme une clause de préciput ou une clause d’attribution intégrale, lesquelles peuvent être aménagées de sorte de ne pas déployer leurs effets si le décès intervient pendant la séparation, alors que le divorce n’est pas encore effectif. De la même manière qu’un legs, une donation au dernier vivant ou une clause bénéficiaire, les avantages matrimoniaux peuvent être stipulés au profit du survivant qui ne serait par hypothèse pas encore divorcé, mais plus précisément ils peuvent être réservés à celui qui ne serait pas en instance de divorce ou de séparation de corps.
Concernant les régimes séparatistes, on distinguera la séparation de biens de la participation aux acquêts.
S’agissant du régime de la séparation de biens avec société d’acquêts, laquelle constitue une communauté dont le périmètre est défini par la convention matrimoniale, tous les points déjà abordés ci-dessus sont transposables aux biens composant la sociétés d’acquêts.
S’agissant du régime de la participation aux acquêts, on rappellera que (malheureusement) l’on ne peut plus prévoir d’aménagements spécifiques à l’hypothèse de la dissolution par divorce. Les clause d’exclusion des biens professionnels ont effet été condamnées par deux arrêts récents (18/12/2019 et 31/03/2021). La portée de ces jurisprudences est large, rendant inefficace toute clause de liquidation spécifique au cas de divorce. Dans cette hypothèse, la créance de participation sera donc déterminée selon les règles légales. Demeurent néanmoins possibles les aménagements ayant vocation à protéger le survivant en cas de décès.
Enfin, concernant une autre conséquence patrimoniale du divorce que constitue la prestation compensatoire, le droit français ne permet aucun accord anticipé. Cette question ne peut être traitée qu’au moment du divorce et pas avant. Sans doute un élément déterminant dans le choix du régime ou du mode de conjugalité…
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