Pas forcément !
La communauté universelle est l’un des cinq régimes matrimoniaux proposés par le Code civil. Il s’agit du plus communautaire d’entre eux puisque la loi définit la masse commune comme comprenant tous les biens du couple à l’exclusion seulement des biens propres par nature, soit peu de choses (par exemple les indemnités perçues en réparation d’un préjudice moral). Dans ce régime sont donc communs : tous les revenus et les biens acquis à titre onéreux pendant le mariage -bien sûr- mais également ceux acquis avant le mariage ou ceux reçus par donation ou succession. Le contrat de mariage peut parfaitement prévoir des aménagements, ce qu’il convient de vérifier.
En revanche, le Code civil ne prévoit aucune règle particulière quant à la répartition de cette communauté à la fin du mariage. Le principe est donc celui du partage par moitié entre les époux (en cas de succession, une moitié de la communauté revient au survivant et l’autre moitié compose la succession de l’époux décédé). Il faut donc vérifier les clauses du contrat de mariage sur ce point.
En effet, il n’est pas rare que cette communauté universelle soit assortie d’une clause d’attribution intégrale. Dans ce cas, par l’effet de cette convention matrimoniale, tous les biens communs reviennent au survivant des époux. La succession en sera donc privée. Cette clause constitue un avantage matrimonial (et non une libéralité). On ajoutera que l’attribution intégrale peut porter sur la pleine propriété des biens communs ou seulement sur l’usufruit de ces mêmes biens.
Alors, attention : si communauté universelle et attribution intégrale sont souvent mariées, ce n’est pas chose obligée !
Attention aux raccourcis !
Dans cette hypothèse, il est vrai que l’actif successoral laissé par le défunt est réduit à peau de chagrin : le régime matrimonial étant traité avant la succession, tous les biens communs sont attribués au survivant et il ne reste que les biens propres, quasi-inexistants dans ce régime. Pour cette raison d’ailleurs, les legs s’avèrent bien souvent inefficaces. Mais attention, le règlement de la succession ne se borne pas à répartir les biens que le défunt laisse à son décès ! Avant comme pendant le mariage, l’époux, ou les deux époux, ont pu consentir des libéralités. La question du rapport successoral et celle du respect de la réserve héréditaire doivent alors se poser. L’attribution intégrale ne dispense pas de faire la liquidation successorale. Ces principes ont été régulièrement rappelés par la Cour de cassation.
Ainsi le rapport des libéralités est dû entre cohéritiers en présence de libéralité(s) en avance de part successorale. Par exemple, si le défunt avait fait donation d’un bien propre avant son changement de régime à l’un de ses deux enfants, l’autre pourra en demander le rapport successoral. Faute d’actif successoral pour servir le deuxième enfant de manière égalitaire, le premier sera contraint de verser une soulte…
Dans le cas où les deux parents ont fait donation à un enfant commun, la Cour de cassation a rappelé que celle-ci est rapportable pour moitié dans chacune des successions des père et mère, nonobstant l’adoption ultérieure par les parents du régime de la communauté universelle avec attribution intégrale. Le régime matrimonial des époux n’a pas pour effet de dispenser le donataire du rapport successoral au décès du premier des époux.
De même, en présence d’enfant(s) exclusivement commun(s) et de libéralité(s) hors part successorale, il conviendra de vérifier qu’il n’a pas été porté atteinte à la réserve héréditaire. Dans cette hypothèse, la masse de calcul de la réserve et de la quotité disponible est composée, pour l’essentiel, de la réunion fictive des libéralités. Pour le dire autrement, l’adoption d’une communauté universelle rend les libéralités hors part successorale plus exposées au risque de réduction.
Le cantonnement est une faculté offerte aux seuls bénéficiaires de dispositions à cause de mort. Elle leur permet de choisir, parmi les biens légués, ceux qu’ils veulent retenir et donc d’abandonner les autres, dévolus aux héritiers légaux. Les avantages matrimoniaux ne sont pas des dispositions à cause de mort et le cantonnement est donc inapplicable à une clause d’attribution intégrale. Mais le conjoint peut-il refuser totalement ou partiellement l’attribution intégrale dont il bénéficie ?
La clause d’attribution intégrale telle que prévue à l’article 1524 du Code civil est une clause de partage inégal de la communauté et constitue un avantage matrimonial qui s’exécute de plein droit au décès du premier des époux. Contrairement au préciput, aucune faculté n’est laissée au survivant quant à la mise en jeu de cet avantage. La clause d’attribution intégrale développe tous ses effets dès la survenance du décès de l’époux et indépendamment de toute manifestation de volonté de la part du survivant. C’est la raison pour laquelle toute renonciation totale ou partielle à l’attribution intégrale qui serait faite par le survivant serait translative de propriété au profit de ceux appelés à en bénéficier (généralement les enfants) et constitutive d’une mutation à titre gratuit taxable en conséquence.
Plutôt vrai : elle est parfaitement possible en théorie mais s’avère généralement peu opportune dans ces circonstances. Les avantages matrimoniaux ne sont point regardés comme des donations et ne sont donc pas réductibles pour atteinte à la réserve… sauf s’il existe un enfant non commun ! Dans ce cas, l’enfant non commun peut agir sur le fondement de l’action en retranchement et demander au conjoint survivant qu’il rende compte de ces avantages comme s’ils constituaient des donations, par hypothèse hors part successorale et imputables sur la quotité disponible spéciale du conjoint survivant.
Or, le survivant dispose ici d’un double avantage : l’élargissement de la masse commune (par référence aux acquêts en communauté légale) et l’attribution intégrale des biens communs (au lieu du partage par moitié). Si ces avantages (évalués par le spécialiste, notaire ou avocat) excèdent la quotité disponible spéciale, alors l’atteinte à la réserve héréditaire est caractérisée et le conjoint survivant devra s’acquitter d’une indemnité de réduction. Les enfants reçoivent alors leur réserve en valeur, par la perception d’une somme d’argent. Ces limites doivent donc orienter le Conseil vers d’autres solutions.
On notera enfin qu’en présence d’enfant(s) exclusivement commun(s), cette stratégie est celle qui permet de transmettre le plus au conjoint en s’affranchissant des règles de la réserve héréditaire au premier décès. Les enfants communs ne peuvent utiliser l’action en retranchement et sont donc impuissants face aux avantages conférés au survivant par la voie matrimoniale. Le législateur considère qu’ils feront valoir leurs droits dans la succession de leur deuxième parent.
Faux
Comme tout régime communautaire, la communauté universelle peut prévoir des clauses de liquidation alternative, par exemple : attribution intégrale ou préciput(s) en cas de dissolution par décès et clause « alsacienne » en cas de divorce. En cas de divorce, la liquidation est alors très semblable à celle du régime légal de la communauté réduite aux acquêts. C’est d’ailleurs dans ces circonstances (époux jeunes et mariés en communauté universelle dès le départ) qu’est née la clause « alsacienne » ou « de sauvegarde ».
Cette clause, devenue très usitée, permet à chacun de reprendre les biens qui lui auraient été propres sous le régime légal : les biens existants apportés à la communauté lors du mariage ou du changement de régime, les biens reçus par donation ou succession, etc.
Pour s’assurer de l’efficacité de la clause alsacienne le moment venu, il est préférable de dresser, dès l’adoption du régime, un état descriptif du patrimoine de chaque époux. En effet, il est utile de prévoir une clause alsacienne mais encore faudra-t-il pouvoir déterminer sur quels biens les époux pourront la faire jouer. Il faut donc être en mesure, lors du divorce, de prouver notamment ce qui a été apporté à la communauté. En matière immobilière, cela ne soulève pas de difficulté. Pour le reste, il faut se préconstituer des preuves. C’est l’intérêt de cet état descriptif. Ajoutons que la clause alsacienne peut jouer soit sur les biens apportés s’ils existent encore en nature, soit sur les nouveaux biens en cas de subrogation et, à défaut, elle peut s’appliquer en valeur. L’état descriptif devra donc comporter les évaluations des biens listés. Autre atout de cet état descriptif : sa force probante. D’une part, l’état descriptif est approuvé par chaque époux qui reconnaît ainsi son contenu et la véracité des déclarations faites par son conjoint. D’autre part, cet état descriptif est compris dans un acte authentique.
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