Sauf revirement inattendu, la réforme des retraites commencera à s’appliquer dès le 1 er septembre. Une course contre la montre est lancée pour la publication des décrets d’application.
Elle n’en finit pas de faire grincer des dents, et pourtant elle est bel et bien sur les rails. Après avoir emprunté le chemin d’un tortillard, la réforme des retraites semble à présent engagée sur une voie à grande vitesse. Si ses principaux opposants nourrissent encore l’idée de la voir abrogée , la loi qui a été promulguée le 14 avril dernier, devrait selon toute vraisemblance entrer en vigueur dès le 1er septembre. Une mise en oeuvre extrêmement rapide qui va concerner les générations sur le point de partir à la retraite, voire celles pour lesquelles la décision de départ est déjà prise.
Retour sur les principaux enjeux et les pièges à éviter.
Deux curseurs « repères » vont évoluer en parallèle pour la détermination de l’âge de départ à la retraite des salariés.. Le curseur de l’âge légal permet de répondre à la question « à partir de quel âge ai-je droit de partir à la retraite ? ». Le curseur du nombre de trimestres requis répond à la question, « quand pourrais-je partir à la retraite à taux plein ».
Après la réforme, l’âge légal sera augmenté de 3 mois par génération, à compter de celle née à partir du 1er septembre 1961, pour atteindre 64 ans dès la génération 1968. Mais ce n’est pas tout. Pour toucher une retraite à taux plein, il faut aussi justifier d’une durée d’assurance minimale en fonction de son année de naissance. « La loi sur les retraites accélère le passage à une durée de cotisation de 43 ans, prévue par la réforme Touraine.
Cela se fera au rythme d’un trimestre par an, au lieu d’un trimestre tous les trois ans, pour atteindre 172 trimestres dès la génération 1965.
Le sort des carrières longues a été au coeur des débats parlementaires. 4 bornes d’âge ont été prévues.
Si vous avez une carrière complète, un début d’activité avant 21 ans permettra un départ à 63 ans ; avant 20 ans (62 ans) ; avant 18 ans (60 ans), et avant 16 ans (58 ans). Ce schéma sera complètement en place à partir des générations nées en 1970. L’âge légal n’a pas été décalé pour les salariés en invalidité ou inaptes. Ils pourront toujours partir à 62 ans.
D’autres dispositifs dérogatoires permettant de cesser son activité avant l’âge légal ont été assouplis (départ pour incapacité permanente etc.), et engloberont davantage de salariés. Il sera aussi toujours possible de liquider sa retraite avant 64 ans pour les départs anticipés prévus dans certains régimes. Pour mémoire, le report de l’âge légal concernera les fonctionnaires de « catégorie actives » (policiers, gardiens de prison etc.), et les régimes spéciaux, mais respectivement avec des adaptations et des exceptions.
De nouveaux calculs sont à faire pour acheter le bon nombre de trimestres (manquants pour toucher sa retraite à taux plein).
Cette opération coûteuse risque néanmoins de s’avérer sans intérêt dans certains cas, en raison du relèvement de l’âge légal. La réforme Borne ouvre ainsi le droit à un remboursement des assurés qui ont acheté des trimestres inutilement, sans avoir encore liquidé leur retraite. L’Etat avait déjà offert cette faculté en 2010 lors du report de l’âge légal de 60 à 62 ans. Attention aux délais : la demande devra intervenir dans les 2 ans à compter de la promulgation de la loi, au plus tard le 14 avril 2025.
Dans un décret d’application, le gouvernement propose de faire preuve de souplesse en autorisant certains assurés à annuler leur demande de retraite. Cette possibilité concerne les personnes ayant fait valoir leurs droits avant l’entrée en vigueur de la réforme, mais dont la liquidation de la retraite est prévue après le 1er septembre. Pour ces salariés, cela signifie que les règles du jeu vont changer en cours de route.
Les personnes qui avaient une carrière complète sous l’ancien régime devront en effet justifier de 169 trimestres de cotisation, dès septembre, au lieu de 168 jusque-là. Sont donc concernés les assurés, à qui il pourrait manquer un ou plusieurs trimestres, du fait de l’accélération de la réforme Touraine. S’ils étaient partis à la date prévue, ils auraient subi une décote sur leur pension sur toute la durée de leur retraite. Le délai pour requérir l’annulation de sa demande pourrait être étendu jusqu’à fin octobre, a indiqué le cabinet d’Olivier Dussopt. Une période de 2 mois (après la parution au Journal Officiel du décret concerné) était initialement envisagée mais cela a été jugé un peu court.
Des salariés déjà en préretraite, mais toujours officiellement salariés, devront-ils retourner travailler dans leur entreprise s’ils veulent toucher une pension à taux plein ? Le cas d’une soixantaine de collaborateurs d’Orano (ex-Areva), partis à la retraite plus tôt grâce à un compte épargne-temps (CET), a notamment été évoqué dans la presse .
Interrogé sur cet effet collatéral inattendu, le cabinet du ministère du Travail a assuré que d’une manière générale, « aucune personne » actuellement à la retraite ne devra revenir travailler lorsque la règle du jeu détaillée de la réforme aura été fixée ».
A ce stade, seules quelques dizaines de personnes seraient concernées, selon le ministère pour qui « les entreprises gèrent cela très bien dans le cadre du dialogue social ». Pour les spécialistes de la retraite, ces difficultés sont cependant loin d’être anecdotiques. Le report de l’âge de départ à la retraite, mesure phare de cette réforme, va entraîner nécessairement des conséquences sur la gestion des départs en retraite et sur les plans de recrutement . Le calendrier de mise en oeuvre exceptionnellement rapide de la réforme ne manquera pas de générer des situations difficiles à gérer.
L’exécutif s’est lancé dans une course contre la montre.
Au total, 31 textes d’application (27 décrets et 4 arrêtés) doivent être publiés d’ici à la fin de l’été, afin de préciser la partition gouvernementale et d’éviter les fausses notes. De très nombreuses précisions sont attendues. Il est difficile d’être exhaustif mais les experts en retraite s’interrogent par exemple sur les différentes modalités de calcul, que ce soit pour la surcote pouvant aller jusqu’à 5 % pour les mères de famille éligibles , les nouveaux droits liés au cumul emploi retraite, ou la pension minimum. « Pour les personnes qui vont bénéficier de trimestres en plus (les anciens travaux d’utilité collective « TUC » , et les sportifs etc.), quelles seront les années d’activité concernées ? Quels seront les justificatifs demandés ?
Le principe du bonus-malus de l’Agirc-Arrco sur la retraite complémentaire des salariés du privé est entre les mains des organisations syndicales et patronales – qui gèrent ensemble ce régime paritaire. Le dispositif échappe au champ de la réforme, et le gouvernement n’a aucune voix au chapitre. Il reviendra aux partenaires sociaux de se prononcer sur l’avenir du dispositif dans les prochaines semaines. A l’origine, ce coefficient de solidarité devait inciter les salariés à travailler un an de plus mais le report de l’âge de départ remet de facto en cause l’intérêt de cette mesure applicable depuis 2019. Tout porte à croire qu’elle sera supprimée mais cela reste à confirmer.
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